Aucun rapport avec la grippe aviaire [1]... le sujet est le système de vote électronique Nedap, et une traduction serait : « C’est un plan foireux, et il doit maintenant être abandonné ».
Il a continué : « Nous sommes parvenus au bout de la route, et devons l’accepter. Cela ne sert à rien de continuer avec ces faux-semblants, et de prétendre qu’il va être utilisé à l’avenir. Sa seule valeur est son prix à la casse. »
« Nous devons dire qu’il ne sera pas utilisé, et que les prochaines élections seront conduites selon les méthodes traditionnelles qui ont si bien servi ce pays. » [2]
Cette route qu’évoque Michael Noonan démarre vers l’an 2000, lorsque le gouvernement commença à étudier comment informatiser les élections. Les ordinateurs du constructeur hollandais Nedap furent retenus, et une expérimentation eût lieu en 2002. La généralisation à tout le pays fût décidée pour les élections européennes de 2004. 7500 ordinateurs ont été achetés dans ce but.
Des oppositions venant notamment d’informaticiens étaient pourtant apparues. L’association qui a joué un rôle clé est l’ICTE (Irish Citizens for Trustworthy Evoting). Elle a été fondée par Margaret McGaley, une étudiante qui faisait une thèse sur le vote électronique. Plus tard, l’Irish Computer Society, l’association professionnelle des informaticiens irlandais, a également contesté le choix effectué [3]. Pour l’anecdote, les membres de cette respectable organisation furent traités publiquement d’altermondialistes, par le ministre responsable de l’introduction des ordinateurs de vote, apparemment un peu énervé qu’on critique son beau joujou moderne tout plein [4].
Le monde politique a finalement entendu ces inquiétudes, et une commission indépendante a été formée : la CEV, “Commission on Electronic Voting”. Elle a conclu dans son premier rapport être “incapable de recommander” ces ordinateurs, qui depuis, attendent dans des entrepôts.
Le gouvernement irlandais est issu d’une coalition de deux partis. L’un s’appelle Fianna Fáil, et c’est le parti du Premier Ministre Bertie Ahern. L’autre est les Progressive Democrats. Sur les 12 membres du “Public Accounts Committee”, 6 sont du parti Fianna Fáil. Michael Noonan, son président, a ajouté qu’une majorité de sa commission, et notamment 3 de ces 6 membres du Fianna Fáil, étaient en faveur de l’abandon du système de vote actuel Nedap.
Michael Noonan a expliqué que sa commission ne pouvait pas directement demander l’abandon des ordinateurs, car elle sortirait alors de sa mission qui est de questionner les finances et non pas les politiques suivies.
D’autre part, l’autre parti de gouvernement, les Progressive Democrats, lors de son congrès annuel, vient de passer, comme l’année dernière, une motion réclamant l’abandon du vote électronique en faveur du vote papier.
Dick Roche, le ministre en charge du dossier, a répondu qu’il ne fallait pas anticiper les conclusions du second rapport de la CEV, attendu d’ici quelques mois. Il a toutefois confirmé [5] officiellement que le vote électronique ne sera pas utilisé lors des prochaines élections générales de 2007.
Seán Fleming (membre du “Public Accounts Committee”, et du parti de gouvernement Fianna Fáil) estime qu’il faudrait le soutien de tous les partis pour que le vote électronique soit utilisé. Il ne voit pas cela possible avec le système actuellement en débat. Il explique qu’il est favorable au vote électronique, mais qu’il faut considérer les aspects pratiques : comme les ordinateurs ne seront pas utilisés en 2007, ils seront âgés de dix ans à l’élection générale suivante. Il s’est interrogé : qui pourra leur faire confiance après un stockage long d’une décennie ?
Le “Public Accounts Committee” a également contesté les prévisions d’économies que devait permettre le vote électronique, et a pointé les grandes variations des coûts de stockage et d’assurances selon les endroits. Au total, ces coûts sont de 700 000 € par an. En conséquence, le gouvernement projette de rassembler tous les ordinateurs dans un entrepôt militaire.
Michael Noonan, le président du “Public Accounts Committee”, considère qu’il faut prendre cette décision tant que les ordinateurs pourraient encore avoir une valeur résiduelle d’occasion, par exemple aux États-Unis, où le fabricant Nedap est en cours de certification. Il a également suggéré de recycler les ordinateurs inutiles en attractions dans les pubs irlandais tout autour de la planète.
Ce consensus autour d’un abandon au nom de la rationalité économique pourrait conduire à éviter de se poser les questions de fond : la sécurité et la transparence. Des questions que devrait aborder le second rapport de la CEV.
Il y a peu, le Times du 16 avril 2006 a donné quelques indices sur le contenu de ce second rapport. Il insisterait sur la nécessité de raccorder des imprimantes aux ordinateurs de vote. Ce serait se diriger vers le concept de “bulletin papier vérifié par l’électeur”.
Cela vise à répondre à une difficulté particulière du vote électronique. Contrairement aux autres systèmes informatiques, ses dysfonctionnements (ou pire) sont généralement indétectables par ses utilisateurs, à savoir les électeurs. Une transaction bancaire est contrôlable a posteriori, par exemple en vérifiant ses relevés de compte, imprimés sur du papier bien tangible. Le secret du vote empêche une telle vérification. Si l’ordinateur modifie un vote, qui s’en apercevra ?
De quoi s’agit-il ? L’ordinateur, une fois le vote composé, imprime un bulletin reprenant les choix effectués. Ce bulletin est montré à l’électeur, derrière une vitre. Il le compare avec l’écran, et le valide. Le bulletin tombe ensuite dans une sorte d’urne intégrée à l’ordinateur. Le soir de l’élection, une proportion statistiquement significative des bulletins est dépouillée. Les suffrages sont ainsi vérifiables au moyen d’un circuit indépendant de l’informatique : bulletins papier conservés dans une urne et dépouillement manuel.
Cette voie est maintenant suivie par 26 états des États-Unis [6], dont le New-Jersey et l’état de New-York, où le fabricant Nedap et son importateur Liberty Election Systems ont demandé à être certifiés. En Europe, Nedap a toujours combattu un tel système d’impression, en argumentant qu’il fallait viser la simplicité, et craignant que la découverte d’une anomalie le jour de l’élection ébranle la confiance des électeurs [7]. Nedap va toutefois se résigner à mettre en oeuvre cette impression aux États-Unis.
Les ordinateurs Nedap sont utilisés massivement aux Pays-Bas (plus de 80% des électeurs), à plus faible échelle en Allemagne (3 millions d’électeurs [8]), et depuis 2004 en France (environ 700 000 électeurs [8], notamment à Brest et au Havre). Ils ont été expérimentés en Grande-Bretagne et tout récemment en Italie.